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Exposition-dossier

Les papiers de Henner

Dessins sur supports insolites

« Je suis allé voir Henner cet après-midi […]
Tous ses meubles sont couverts de morceaux de papier sur lesquels la même figure est dessinée cinq, six, dix fois. »

E. Durand-Gréville, 6 février 1885



Jean-Jacques Henner est connu comme le peintre de la IIIe République couvert d’honneurs et de médailles, le peintre des Idylles et des femmes rousses, mais l’artiste est également un dessinateur de grand talent et très prolifique, comme le montre le fonds de dessins conservé au musée national Jean-Jacques Henner. Constitué de près de 1120 feuilles libres et de 105 carnets/albums, cet ensemble révèle un aspect intime de sa personnalité. Peu d’études ont été consacrées au dessin chez Henner, et encore moins à la matérialité des supports.

Cette exposition-dossier propose de découvrir une partie de cet ensemble par le prisme spécifique des supports insolites utilisés par l’artiste comme le papier journal, la carte postale, le papier à lettre, le papier de verre, les faire-part de décès et de mariage mais aussi les pages de ses agendas.

Femme nue debout de profil, [1882-1905], fusain sur papier journal, 27,2 × 15,8 cm © Photo RMN-GP/Michel Urtado
Croquis de nus, [1893-1905], crayon noir sur papier vélin industriel (enveloppe), 12,8 × 19,4 cm
© Photo RMN-GP/Benoit Touchard


L’artiste peut prendre la feuille au recto ou au verso, dans tous les sens, et aussi bien à l’endroit qu’à l’envers. Les papiers détournés de leur usage, ces papiers de seconde main, peuvent répondre à l’immédiateté d’une situation, voire à l’urgence de conserver en mémoire une idée, une forme, une expression, un geste. Cartons d’invitation, papiers d’emballage, enveloppes, lettres reçues, qu’il
n’hésite pas à découper et à assembler ensemble parfois dans un montage, conditionnent la forme de l’oeuvre. Ces supports sans valeur, ces papiers sans importance, contiennent ébauches, esquisses,
griffonnages, captant l’instantané du geste, pris sur le vif.

Le musée conserve de nombreux carnets à dessins, sur papier vergé ou vélin, de petits formats, que l’artiste pouvait emporter partout avec lui lors de ses différents déplacements. Plus petits que les feuilles traditionnelles, les carnets furent un support privilégié de son activité de dessinateur.
Par ailleurs, comme en témoignent ses entretiens réalisés avec le critique et érudit Émile Durand-Gréville, certains de ces bouts de papier ont été collés par l’artiste dans six albums de grands formats. Ils offrent de manière parfois désordonnée de nombreuses feuilles de dessins couvrant toute la carrière de l’artiste.

Au coeur de l’atelier, Henner préfère se servir des papiers de réemplois qu’il a sous la main au détriment de feuilles de belle qualité. Dessinateur obsessionnel, il reprend ses compositions à l’infini sur des bouts de papier comme le relate le critique Louis Loviot : « Il suffit de pénétrer dans son atelier et de voir les croquis épars dont chacun représente un nouvel essai pour une même composition ».

Henner semble jouer avec les couleurs des feuilles mais aussi leur texture, plus ou moins épaisses, plus ou moins grenues, permettant d’accrocher la matière comme le fusain, la craie, la sanguine… qu’il utilise abondamment. Le papier lui manque parfois lorsque survient la nécessité de dessiner. Henner peut donc être amené à s’exprimer sur tout type de support à portée de main, dos de documents, de registres, prospectus réemployés, morceaux de papiers déjà utilisés.

J’ai trouvé sur la table de Henner un
volume relié où il colle des dessins, embryons
de ses futures compositions, et même de
simples bouts d’études de mains ou de pieds.
C’est une collection extrêmement intéressante ».

E. Durand-Gréville, 27 mars 1881
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